Les tribulations du motard en bois
CHAPITRE 6
Vers 7 heures 46, en ce radieux mercredi d’automne, le Majesté des Mers appareille pour le moyen Orient emmenant à son bord nos trois amis qui se demandent déjà ce qu’ils foutent dans cette galère.
Mais pour l’instant, l’heure n’est pas aux états d’âme. Ces quelques semaines de navigation, vont leur permettre de méditer et d’admirer les paysages qui s’offrent à leurs yeux curieux.
Le comte de Rüchlingen en profite pour peaufiner sa recette du Kèseukourreu. : à l’eau de mer, à la cervoise, au maquereau, au crabe, au lait de chamelle, au vin blanc. Le pauvre comte de Roswel et Tristan qui servent à chaque fois de cobaye sont passés par toutes les couleurs de l’arc-en-ciel et souhaitent par tous les saints que cet exercice prenne fin. Captain Krapps qui en a vu d’autres, s’exclame après chaque dégustation « Mais ça c’est bon, hein !!! »
Ce dernier profite de son temps libre pour sculpter une figure de proue pour son navire, un truc en forme d’aile …
De nombreuses soirées cervoise ont lieu à bord. Elles se terminent en général à la poupe, penché vers la mer, en nourrissant les poissons qui, malins, suivent l’esquif par bancs entiers depuis le départ et se régalent tantôt de cervoise, tantôt de mélanges indéterminés dont la base reste le fromage blanc .
Après avoir passé les colonnes d’Hercule, doublé la Sardaigne et Sicile, aperçu Malte, fait une petite halte à Tarabulus, vu les feux d’Athènes, la jolie Candie, salué le colosse de Rhodes, repéré le phare d’Alexandrie, nos héros arrivent enfin à Saint Jean d’Acre dans les états francs du Levant.
Ayant pris soin de saluer Captain Krapps et Dame Eliane, nos amis suivent le reste du contingent embarqué, après avoir repris possession de leurs montures.
La route est longue et le rythme imprimé par ceux qui précèdent ne convient guère à nos amis, habitués à des vitesses un peu plus soutenues.
De virages en virages, de col en col, ils finissent par remonter toute la colonne et à se retrouver en tête.
Le chef des troupes les félicite pour tant d’engouement. Le comte de Roswel lui propose que ses amis et lui prennent un peu d’avance. Au carrefour juste avant Jérusalem, ils attendront le reste des troupes pour terminer le chemin ensemble.
C’est d’accord dit le Chevalier, mais méfiez vous des pièges. Si on ne vous voit pas au carrefour avant Jérusalem, on ne vous cherchera point et poursuivrons notre route victorieuse. Cette dernière remarque n’est pas tombée dans l’oreilles de trois sourds !!
Ils ne tardent pas à arriver en vue de la ville sainte. Après quelques minutes d’attente au dit carrefour, nos trois compères se disent qu’après tout, les autres sont si nombreux qu’ils n’auront pas besoin d’eux pour leur besogne. Les choses de la religion et de la guerre, c’est pas leur truc. Et puis, ils n’ont rien contre les Sarrazins qui ne leur ont jamais rien fait.
D’un commun accord, ils décident de prendre à droite.
Il tarde à Domenico de revoir Dame Christiane et à Francesco de raconter tout ça à Dame Carla.
En plus dans ce pays où il n’y a que des étrangers, il n’y a en plus pas de fromage blanc. Les autochtones leur ont fait goûter un truc à base de semoule avec de la sauce piquante et de la viande et des légumes, un repas de pauvre, servi également dans les estaminets locaux. Ca ne marcherait jamais chez nous ça ! s’exclame le comte de Roswel qui n’en trouve pas moins que le vin local, tout comme les habitantes, ne manque pas de cuisse, qu’il est long en bouche et a un goût de revenez - y.
Domenico donne son adresse à quelques cheikhs locaux au cas où il seraient intéressés par quelques DORF.
Après avoir consulté le ciel et les étoiles, nos trois compères décident le prendre le chemin le plus court pour aller moins loin. Ils leur faut regagner Tunis au plus vite afin d’attraper le Majesté des Mers qui y fait escale de temps à autre pour faire le plein d’huile d’olive première pression à froid 10/50.
Quittant les terres de Palestine, ils abordent l’Egypte . Il y fait une chaleur torride en cette fin d’automne.
Alors qu’ils longent un canal, Francesco ose une jeu de mot en direction de Domenico qui transpire sang et eau : « Vous suez ? »
A’approche de Guizeh, Tristant s’étonne « qui a bien pu planter ces espèces de chapeaux sur le sable ? »
Francesco freine sa monture, se met debout sur ses étriers « Ignorant ! s’exclame t-il, du haut des ces pyramides 32 siècles te contemplent ! » Cette expression sera reprise quelques siècles plus tard par un petit bonhomme originaire d’une île explosive qui a voulu conquérir le monde et s’est retrouvé sur une île encore plus petite……
Avisant une statue de chat, Tristan décide de l’escalader. Le comte de Rüchlingen tente de l’en empêcher mais le comte de Roswel lui dit que le jeune homme a besoin de se dégourdir les jambes et qu’une petite pause ne fera de mal à personne. Tristan semble rompu à l’art de la grimpette, tout comme ses précepteurs d’ailleurs qui préfèrent, toutefois, le mont de Vénus au Mont Blanc. Il arrive au niveau des yeux de l’animal statufié, prend appui sur l’appendice nasal qui se détache sous la pression et s’écrase quelques dizaines de mètres plus bas. Cette anecdote qui sera racontée de génération en génération par les nomades, témoins de la scène, ahuris, arrivera un jour aux oreilles d’un certain Uderzo qui en fera l’usage que vous savez…
Encore une fois, la bêtise du jeune homme oblige à lever le camp rapidement.
Ils quittent la zone à bride abattue et ne doivent leur salut qu’à la position du comte de Roswel sur sa monture qui laisse à penser qu’il va dans une autre direction et s’apprête à affronter ses poursuivants….
Après quelques heures d’une course effrénée, les trois amis s’arrêtent. Ils se congratulent, alors ; l’un l’autre sur la façon d’avoir négocié telle ou telle courbe, fait l’intérieur à un char romain ou doublé toute une horde de cavaliers en bout de ligne droite….Plus de peur que de mal donc.
Les jours de cheval (chwall) sont longs et après six semaines, ils arrivent en vue de Tunis. Ils espèrent que le Majesté des Mers a besoin d’huile et qu’il sera au port pour les ramener en terre de France.
Ils en profitent pour visiter la ville et s’installent dans une auberges afin de se reposer, de se sustenter et de prendre un bain.
Tristan, sortant du bain, voit la marque laissée par la crasse tout autour de la baignoire à quelques centimètres du niveau de l’eau ? « Sapristi s’exclame t-il, j’ai trouvé : tout corps plongé dans un liquide…. » (NDLR : Tous ceux qui ont dépassé le niveau du CM2 connaissent la suite d’un théorème qu’on a attribué à quelqu’un d’autre - Encore une vérité de rétablie ! ).
L’automne se termine. Enfin, un mardi, vers 10 h 32, le Majesté des Mers apparaît. Nos amis vont pouvoir retourner en terre de France….